- PHÉOPHYCÉES
- PHÉOPHYCÉESLes Phéophycées, ou Algues brunes, sont presque exclusivement marines. Par leur taille et par leur abondance, certaines d’entre elles jouent un rôle très important dans la végétation des diverses mers. Les peuplements étendus de Laminariales abritent une faune variée de poissons et de crustacés comestibles qui y trouvent une nourriture abondante. Outre les utilisations industrielles [cf. ALGUES], il y a lieu de noter qu’au Japon certaines Laminaires sont largement exploitées pour l’alimentation humaine sous le nom de kombu .Bien que leur anatomie et leur mode de reproduction soient très variés, les Phéophycées possèdent une grande homogénéité dans leur structure cytologique. Comme chez tous les Chromophytes, leurs plastes, colorés en brun par des pigments spéciaux (fucoxanthine), leur donnent une coloration brune ou olivâtre caractéristique; mais contrairement aux autres Chromophytes, elles ne sont jamais unicellulaires et leurs cellules reproductrices mobiles (zoïdes) possèdent deux flagelles, l’un antérieur, l’autre postérieur, insérés sur le côté de la cellule.Caractères générauxCytologieLes cellules des Phéophycées sont généralement uninucléées, le noyau étant situé au centre de la cellule et maintenu en place par de nombreux tractus cytoplasmiques anastomosés (fig. 1). Les cellules possèdent un ou plusieurs plastes généralement discoïdes ou bilobés, pourvus de chlorophylle a et de chlorophylle c associées à des caroténoïdes variés dont certains leur sont propres (fucoxanthine). L’ultrastructure des plastes rappelle celle des Chromophytes; les saccules aplatis renfermant les pigments (thylacoïdes), au lieu d’être isolés les uns des autres au sein du stroma comme chez les Rhodophycées, sont groupés généralement par deux ou trois. Les plastes de beaucoup de Phéophycées possèdent des pyrénoïdes en forme de poire faisant saillie à l’extérieur du plaste, tout en restant entourés par la membrane plastidiale: ils sont généralement de structure homogène et, contrairement à ceux des Chlorophycées, toujours dépourvus d’une enveloppe d’amidon. Les pyrénoïdes n’existent que dans les formes peu évoluées (Ectocarpales, Chordariales, Dictyosiphonales) et font défaut dans les formes plus évoluées (Dictyotales, Laminariales). Toutefois, la microscopie électronique a clairement mis en évidence un pyrénoïde dans les plastes des Sphacélariales ainsi que dans ceux des oosphères de certaines Fucales où ils étaient passés inaperçus au microscope photonique.Les cellules de Phéophycées, toujours dépourvues d’amidon, renferment comme produit de la photosynthèse un polyholoside donnant du glucose par hydrolyse (laminarine) et un polyalcool à six atomes de carbone (mannitol). Enfin, leur cytoplasme, surtout autour du noyau, possède de petits corps réfringents incolores mais facilement teintés par les colorants vitaux, les physodes, considérés comme des vacuoles spécialisées; ils contiennent des substances diphénoliques voisines des tannoïdes (phloroglucinol).Les cellules reproductrices flagellées, zoogamètes ou zoospores, que l’on qualifie indistinctement de zoïdes, sont caractérisées par leurs flagelles hétérocontés, insérés latéralement et dirigés l’un vers l’avant, l’autre vers l’arrière de la cellule. Le flagelle antérieur, plus long (sauf chez les Fucales), est seul pourvu de mastigonèmes.MorphologieIl n’existe pas de Phéophycées unicellulaires. Les formes les plus simples se présentent sous l’aspect de filaments ramifiés formés de files de cellules toutes semblables ou souvent amincies à leur extrémité en formant des pseudo-poils (Ectocarpales). Ces filaments peuvent parfois différencier des rameaux courts latéraux (pleuridies) ou s’associer en faisceaux pour former des cladomes multiaxiaux (Chordariales).Dans les formes relativement simples (Ectocarpales), les cellules des filaments axiaux ne sont capables que de divisions transversales et la structure est dite haplostique . Ailleurs, les cellules axiales se divisent par des cloisons longitudinales, donc perpendiculaires aux cloisons transversales (Sphacélariales, etc.); la structure de l’axe est alors polystique (fig. 2).La croissance des filaments peut être intercalaire (Ectocarpales): certaines cellules se divisent activement par des cloisons transversales, pour donner à la fois dans les deux directions opposées de nouvelles cellules axiales semblables. Parfois, cette croissance intercalaire se localise vers le sommet des filaments axiaux: les cellules formées vers le bas constituent le filament axial et portent des pleuridies ou des axes secondaires; tandis que, vers le haut, les cellules formées, plus minces, s’allongent en un poil terminal qui se détruit progressivement à son extrémité distale: la croissance est alors trichothallique (Chordariales). Enfin, la croissance peut être terminale , grâce à une cellule initiale qui donne naissance aux divers tissus du thalle (Dictyotales, Sphacélariales, Fucales).Un cas particulier de croissance intercalaire est celui des Laminariales, où il existe une zone de croissance méristématique située à la jonction du stipe cylindrique et de la lame. Le fonctionnement de ce méristème stipo-frondal détermine, d’une part, la croissance et l’élargissement de la lame qui se détruit à sa partie distale soit progressivement soit à chaque reprise de la végétation au printemps (cf. ALGUES, pl. hors texte: Laminaria hyperborea ).La croissance peut également être marginale grâce à l’activité synchrone de filaments à croissance trichothallique soudés latéralement (Cutlériales) ou de cellules initiales terminales (Padina ).ReproductionLa nature des organes reproducteurs permet de distinguer parmi les Phéophycées deux grandes sous-classes, les Phéosporées et les Cyclosporées .Chez les Phéosporées, il existe deux sortes d’organes reproducteurs (zoïdocystes) produisant des cellules reproductrices flagellées: zoospores ou zoogamètes, que l’on confond généralement sous le nom de zoïdes. Les zoïdocystes uniloculaires , de forme ovoïde ou subsphérique, renferment de nombreux zoïdes entassés «comme des noix dans un sac», tandis que, dans les zoïdocystes pluriloculaires , la cellule mère du zoïdocyste se divise par des cloisonnements successifs en de nombreuses petites logettes dont chacune renferme un seul zoïde (fig. 3).C’est dans les zoïdocystes uniloculaires que s’effectue la méiose; les zoïdes produits sont donc en principe haploïdes. Il n’y a, par contre, jamais de méiose lors de la formation des zoïdocystes pluriloculaires, dont les zoïdes ont le même nombre de chromosomes (haploïde ou diploïde) que l’individu qui les produit. Ces zoïdes se comportent soit comme des spores, soit comme des gamètes. Dans ce dernier cas, il y a tantôt isogamie , les gamètes étant produits dans des zoïdocystes tous semblables, tantôt anisogamie plus ou moins prononcée, les gamètes mâles étant alors produits dans des zoïdocystes à petites logettes et les gamètes femelles dans des zoïdocystes à grandes logettes. Parfois aussi, il y a oogamie et les gamétocystes femelles ne renferment qu’un seul gamète.Chez les Cyclosporées (Fucales), la reproduction est toujours oogame; les gamètes femelles immobiles (oosphères) se forment dans des oogones et les gamètes mâles (anthérozoïdes) dans des spermatocystes (fig. 4). Ces deux types d’organes sont inclus dans des conceptacles creusés dans des parties différenciées de la fronde (réceptacles).Cycles d’alternance de générationsChez les Phéosporées, le cycle est, en principe, digénétique, diplohaplophasique, avec alternance d’un gamétophyte haploïde et d’un sporophyte diploïde. Dans les formes les moins évoluées (Ectocarpales), gamétophyte et sporophyte sont morphologiquement identiques; parfois aussi, il existe entre les deux générations un dimorphisme très net (Cutlériales), mais, dans tous les cas, le gamétophyte présente une structure au moins aussi différenciée que le sporophyte. L’ensemble de ces Algues constitue le groupe des Isogeneratae , par opposition aux Heterogeneratae (Laminariales) dont le gamétophyte, microscopique et réduit à des filaments plus ou moins ramifiés, constitue un prothalle (fig. 5).Toutefois, chez beaucoup d’espèces (Ectocarpales, Chordariales et Dictyosiphonales), le cycle peut devenir très compliqué du fait que le même type d’organe reproducteur (uniloculaire ou pluriloculaire) peut se rencontrer aussi bien sur des individus haploïdes que diploïdes; selon les cas, il peut y avoir parthénogenèse ou apoméiose. Chez beaucoup de Chordariales enfin, la génération macroscopique de grande taille, morphologiquement évoluée, ne se développe qu’à une saison de l’année (l’été en général). L’espèce survit pendant l’hiver sous forme de générations microscopiques asexuées successives (microthalles ou pléthysmothalles). Ces individus microscopiques se multiplient abondamment par des zoïdes qui, dans certains cas tout au moins, peuvent être considérés comme des gamètes parthénogénétiques. Il semble qu’outre une perte fréquente de la sexualité il existe chez les Phéosporées une certaine indétermination dans la nature sexuée des cellules reproductrices.Chez les Cyclosporées, il n’existe que des individus diploïdes, la méiose s’effectuant lors de la gamétogenèse, et le zygote se développe directement en un nouvel individu diploïde. Cela a conduit à considérer que les individus sont des gamétophytes diploïdes et que le cycle est monogénétique diplophasique.Toutefois, certains auteurs proposent une interprétation différente. Selon celle-ci les individus diploïdes représenteraient un sporophyte dont les spores ne s’individualiseraient pas; le gamétophyte auquel elles donnent normalement naissance chez les autres Phéophycées serait ici inclus dans le sporophyte (cas comparable à celui du prothalle femelle des Phanérogames), n’étant plus représenté chez la plupart des Cyclosporées que par la lignée cellulaire conduisant de la méiose à l’achèvement des gamètes.Les Cyclosporées posséderaient donc, comme les autres Phéophycées, un cycle digénétique haplodiplophasique, mais chez elles le gamétophyte serait réduit et inclus dans le sporophyte diploïde, seul apparent. L’étude nouvelle de Cyclosporées primitives et de formes (Ascoseira ) chez lesquelles la gamétogenèse s’effectue selon un processus moins simplifié que celui des Fucus trop souvent pris comme seul exemple, donne beaucoup de poids à cette hypothèse.ClassificationLa classe des Phéophycées comporte onze ordres répartis dans les deux sous-classes (Cyclosporées et Phéosporées).Les Cyclosporées se confondent avec le seul ordre des Fucales , caractérisé par une grande différenciation morphologique (Sargassum ).Les Phéosporées se répartissent entre Isogeneratae et Heterogeneratae .Les Isogeneratae comprennent, d’une part, l’ordre des Ectocarpales , haplostiques et à croissance intercalaire, et, d’autre part, plusieurs ordres polystiques: les Sphacélariales et les Dictyotales , à croissance terminale, ces dernières étant en outre caractérisées par leurs spores immobiles et leur oogamie; les Cutlériales , à croissance trichothallique, et les Scytosiphonales , à croissance intercalaire, possédant des sporophytes morphologiquement différents des gamétophytes.Parmi les Heterogeneratae , les formes haplostiques comprennent les Chordariales , isogames ou anisogames, les Sporochnales et les Desmarestiales , oogames; les ordres polystiques sont les Laminariales , également oogames, et les Dictyosiphonales , isogames ou anisogames.Écologie et distribution géographiqueCertaines Phéophycées, Laminariales et Fucales notamment, jouent dans la végétation marine un rôle comparable à celui des arbres et des forêts dans la végétation terrestre. Les autres ordres ne jouent qu’un rôle secondaire du fait de leur taille plus réduite ou de leur faible peuplement.Les Laminariales (fig. 6) sont surtout localisées dans les mers froides et tempérées. Elles vivent pour la plupart dans l’étage infralittoral ou à la limite inférieure de l’étage médiolittoral, n’émergeant que peu de temps, lors des marées de vive-eau, mais pouvant atteindre 20 ou 30 m de profondeur. Dans l’Atlantique Nord, ce sont surtout les genres Laminaria et Alaria qui dominent depuis l’océan Arctique. Plus au sud, le genre Saccorhiza est caractéristique des côtes européennes et marocaines. Dans le Pacifique Nord, il existe de nombreux genres propres à cette région: Postelsia sur les rochers très battus par les vagues, Nereocystis qui, bien qu’annuel, peut atteindre 40 m de long (son très long stipe se termine par une partie renflée creuse et pleine de gaz qui lui permet de flotter en surface). Les Macrocystis , également de très grande taille (jusqu’à 50 m de long), sont abondants dans les eaux froides de l’hémisphère Sud (Nouvelle-Zélande, Tasmanie, sud de l’Australie, Afrique du Sud, Patagonie); ils remontent, grâce au courant froid de Humboldt, le long des côtes du Chili et du Pérou jusqu’à moins de 100 de latitude sud et réapparaissent dans l’hémisphère Nord depuis la Californie jusqu’à l’Alaska. Ces Macrocystis , remarquables par leurs stipes ramifiés portant de larges «folioles» pourvues à leur base d’une vésicule pleine de gaz, forment au-dessus des fonds où ils sont fixés de véritables prairies affleurant à la surface et fréquentées par de nombreux poissons et crustacés.Les Fucales (fig. 7) sont répandues dans toutes les mers du globe; beaucoup vivent dans l’étage médiolittoral et elles supportent ainsi des périodes d’émersion régulières, qui semblent nécessaires à certaines d’entre elles. Leur exigence vis-à-vis de la durée d’émersion biquotidienne détermine l’étagement de leurs peuplements. Dans la Manche, les différentes espèces se succèdent depuis le niveau des hautes mers jusqu’à celui des basses mers dans l’ordre suivant: au-dessus du niveau des hautes mers de morte-eau, le Pelvetia canaliculata est l’espèce localisée le plus haut, restant plus des trois quarts de sa vie hors de l’eau; le Fucus spiralis lui succède jusqu’au niveau de la mi-marée; puis le Fucus vesiculosus et l’Ascophyllum nodosum forment des peuplements étendus de part et d’autre du niveau de la mi-marée; plus bas, le Fucus serratus s’étend jusqu’à la limite des basses mers de vive-eau; d’autres genres, Bifurcaria et Halidrys , vivent surtout au-dessous du niveau des basses mers et ne supportent pas l’émersion.Dans la Méditerranée, les Fucus font défaut, sauf dans le nord de l’Adriatique où existent des marées de faible amplitude. En revanche, de nombreuses espèces de Cystoseira et de Sargassum sont fréquentes dans l’étage infralittoral.Le genre Fucus est exclusivement localisé dans l’hémisphère Nord, depuis le Groenland et le Spitzberg jusqu’au Maroc, ainsi que dans le Pacifique Nord. Dans les régions tempérées et froides de l’hémisphère Sud (Australie et Nouvelle-Zélande en particulier) se rencontrent de nombreux genres propres à ces régions, notamment le genre subantarctique Durvillea , abondant aux îles Kerguelen et qui, par sa morphologie, ressemble à une Laminaire (cf. océan AUSTRAL).Dans les régions tropicales, les genres de Fucales les plus caractéristiques sont les Turbinaria et les Sargassum , dont il existe plusieurs centaines d’espèces: certaines vivent à l’état non fixé, flottant à la surface de la mer grâce à leurs flotteurs pleins de gaz (mer des Sargasses). Il s’agit d’espèces toujours pélagiques, ayant perdu leur aptitude à former des organes reproducteurs sexués et se multipliant végétativement par fragmentation des touffes.phéophycéesn. f. pl. BOT Embranchement d'algues brunes.— Sing. Une phéophycée.phéophycées [feofise] n. f. pl.❖♦ Bot. Ordre d'algues, chez lesquelles la chlorophylle est recouverte de pigments jaunes (fucoxanthine, xanthophylle, carotène). || Les phéophycées sont appelées algues brunes. ⇒ Algue; diatomées, fucacées, phéosporées. — Au sing. || Une phéophycée.➪ tableau Les grandes divisions en botanique.
Encyclopédie Universelle. 2012.